Pierre Gattaz, récemment, a réussi à provoquer une levée de boucliers
unanime avec sa proposition
de création d’un « smic intermédiaire ». Pour le patron du Medef,
« il vaut mieux quelqu'un qui travaille dans une entreprise avec un
salaire un peu moins élevé que le smic, de façon temporaire et transitoire,
plutôt que de le laisser au chômage ». Tel n’est apparemment pas l’avis de
nombreux politiques et partenaires sociaux.
Une des premières à réagir n’était autre que Laurence Parisot, qui l’a précédé à la tête du Medef. Celle-ci n’a
pas fait dans la demi-mesure en parlant
de « logique esclavagiste » :
On pourrait rétorquer à Laurence Parisot que
c’est interdire à quelqu’un d’utiliser son corps ou sa force de travail comme
il l’entend plutôt que de le lui permettre, ce qui se rapproche sans doute
davantage de l’esclavagisme. Mais ce serait oublier que Mme Parisot ne se place pas sur le terrain du débat d’idées
mais sur celui de la rancœur suite à sa tentative ratée de rester à la tête
du Medef. En effet, celle-ci avait tenté en mars 2013 de faire voter par le
conseil exécutif du Medef une modification des statuts lui permettant de se
représenter. Cette modification avait été rejetée
au terme d’un scrutin très serré (22 voix pour, 22 contre et un vote blanc).
Depuis, Laurence Parisot semble éprouver un malin
plaisir à critiquer les propositions de Pierre Gattaz, comme lors de la
dernière réforme de l’assurance-chômage où elle avait défendu
le régime des intermittents du spectacle, mis en cause par le document de
travail du Medef qui demandait sa suppression.
Sans surprise, même opposition syndicale avec Jean-Claude Mailly (FO) qualifiant la proposition d‘indécente,
Laurent Berger (CFDT) d’« idée du passé » ou Joseph Thouvenel (CFTC)
déclarant sa totale opposition à « toute remise en cause du salaire
minimum ». La classe politique offrait la même unanimité,
hormis Nathalie Kosciusko-Morizet qui, sans
soutenir la proposition, préférait ne s’interdire a priori aucune
piste : « toutes les idées pour pouvoir lutter contre le chômage,
en particulier le chômage des jeunes, doivent pouvoir être étudiées, on ne
doit pas s’empêcher de regarder ». Son collègue Alain Juppé (UMP) parle au
contraire de « proposition
intempestive », alors que
Najat Vallaud-Belkacem (PS) y voit la création d’un
« sous-salariat au sein de l’entreprise ». À l’instar d’Yves Jego (UDI), elle préfère souligner l’importance de
l’apprentissage pour lutter contre le chômage des jeunes (comme si les deux
options étaient exclusives l’une de l’autre). Marine Le Pen (FN), en campagne
pour les européennes, voit la main d’une Union européenne ultralibérale
derrière ce projet « scandaleux » qu’elle qualifie de « prochaine
étape de l’austérité qu’on impose
à la France ». Enfin, même le centriste François Bayrou, pourtant modéré
par nature, s’est montré grandiloquent : « on voit bien que ce n’est pas de leurs enfants qu’il s’agit ».
Aucun débat rationnel ne semble donc possible sur cette proposition. Rappelons
que nous parlons là de la mise en place d’un « smic
intermédiaire », pas de la suppression du smic. On ose à peine imaginer quelles auraient été les réactions si quelqu’un s’était
aventuré à formuler une telle proposition.
Pourtant, l’efficacité du salaire minimum est plus que douteuse. Plus
celui-ci est élevé, plus les non qualifiés, et en particulier les jeunes,
auront du mal à trouver un emploi. La loi, au prétexte de les protéger, leur
interdit en fait d’avoir une chance de prouver leur valeur. Le salaire
minimum est donc largement créateur de chômage chez les personnes non
qualifiées. Les politiciens admettent d’ailleurs implicitement cet état de
fait quand ils choisissent de concentrer les baisses de charges sur les bas
salaires. De même du côté de la majorité des experts qui estiment que des
baisses de charges concentrées sur les bas salaires sont les plus créatrices
d’emplois. Pas question pour autant de mettre sur la table le tabou du
salaire minimum.
Les origines du salaire minimum sont pourtant assez peu glorieuses,
puisqu’il a été porté
par les eugénistes. Selon ces derniers, le salaire minimum protègerait
les travailleurs des races supérieures de la concurrence des travailleurs
provenant de souches génétiques inférieures. Un des avantages du salaire
minimum était donc d'éliminer les groupes ‘faibles’ de la société, en les
empêchant de travailler pour subvenir à leurs besoins. Un autre était de
maintenir les femmes à la maison, pour que celles-ci se concentrent sur leur
rôle principal supposé, c’est-à-dire la préservation
du patrimoine génétique (des races supérieures).
Publié initialement sur 24hGold