Nous avons vu précédemment
que la rigueur et l’austérité affichées
n’étaient que de façade. Nous allons voir ici que le
projet de budget 2013 se fonde sur une série d’hypothèses
exagérément optimistes et que l’objectif des 3% de
déficit public affiché pour 2013 a très peu de
chances d’être atteint ou même approché.
Le projet de budget 2013 se fonde sur une
hypothèse de croissance de 0,8%. Ce chiffre est bien supérieur aux
prévisions des économistes qui font le constat que l'économie
française aura déjà du mal à terminer
l'année 2012 en zone positive après trois trimestres de
stagnation..
Pour éviter les scénarios
fantaisistes, une commission économique de la nation réunissant
des économistes avait été créée. Elle est censée,
par ses prévisions
de croissance, éclairer le gouvernement dans l’élaboration
de son budget. Regardons les prévisions de ce panel
d’économistes :
Comme on le voit, les prévisions de
croissance du gouvernement sont plus optimistes que celles du groupe
technique de la commission. Pour 2012 qui se termine, le gouvernement
prévoit 0,2 point de mieux que la moyenne, mais aucun
économiste ne prévoit au-delà de 0,3%. Pour 2013, le
gouvernement budgète 0,5 point de mieux que la moyenne (0,8% vs 0,3%),
et seul HSBC (dont la prévision date de juillet) prévoit plus
(1,3%). Les organisations internationales comme le FMI et l’OCDE ne
sont pas plus optimistes. Le FMI fait les mêmes prévisions [1]
que le consensus du groupe technique (respectivement 0,3% et 0,8% pour 2012
et 2013), alors que l’OCDE ne prévoit que 0,1% pour 2012.
Fin juillet le FMI avait invité le
gouvernement français à adopter des prévisions de
croissance plus crédibles pour construire son budget :
« Les prévisions de croissance et les autres
paramètres clés sur lesquels sera bâti le budget de l'an
prochain devraient être réalistes et ne pas sous-estimer les
futurs besoins d'ajustement ». Prenant exemple
sur la Grande-Bretagne, les Pays-Bas ou le Canada, Philippe Marini et Nicole Bricq (respectivement rapporteur général du
Budget et présidente de la commission des finances du Sénat)
avaient proposé de faire élaborer des scénarios de
croissance par des structures indépendantes. Au Canada, on utilise
ainsi la moyenne des prévisions économiques du secteur
privé (aussi appelée consensus). Aux Pays-Bas, un organisme indépendant
élabore deux scénarios économiques, un vraisemblable et
un prudentiel, et le gouvernement utilise le second pour son budget. Tout
l’inverse de l’exécutif français donc.
Regardons du côté des autres
prévisions. en ce qui concerne la Sécurité Sociale, le
gouvernement table sur une réduction du déficit de 13,3
à 11,4 milliards d’euros (hors fonds de solidarité
vieillesse dont le déficit
atteindrait 2,6 milliards d’euros). Pour cela, il mise là aussi
sur des hypothèses très optimistes. Tout d’abord, un
récent rapport de la Cour des comptes estime le déficit de 2012
à 14,7
milliards d’euros. Ensuite, la progression des dépenses ne devra
pas dépasser 2,7% (contre 3,8% en moyenne sur ces 10 dernières
années) alors que les recettes sont calculées sur une
hypothèse de stabilisation du chômage.
Le projet de loi de finances 2013 prévoit
également de stabiliser la dette publique à fin 2013 au niveau
de 91,3 % du PIB. Même si l'hypothèse de croissance du
gouvernement (+ 0,8 %) se révélait juste, cela serait quasiment
impossible d’atteindre ce niveau.
En effet, le matin même de la
présentation du budget, l’INSEE publiait les derniers chiffres
de dette publique connue. Celle-ci s’élève
désormais à 1 832,6 milliards d’euros à la
fin du deuxième trimestre 2012, soit 91,0% du PIB. On voit mal dans
ces conditions comment la dette pourrait se limiter 18 mois plus tard
à 91,3% du PIB, ce qui
correspondrait à une détérioration d’à
peine 0,3 point.
Car en se basant sur les chiffres du gouvernement
pour les déficits de 2012 et 2013 (respectivement 4,5% et 3,0% du
PIB), on peut s’attendre à un déficit sur cette
période de 18 mois à un déficit aux alentours de 4,5%/2
+ 3,0% = 5,25% du PIB, soit bien plus que le 0,3% attendu.
En fait, compte tenu du rythme actuel du
déficit (1,1 point par trimestre) et des adjudications
de BTAN et d’OAT de septembre et d’octobre, on peut même
estimer que le seuil de 91,3% a déjà été
dépassé.
Mais se baser sur des hypothèses
irréalistes n’est pas propre au gouvernement actuel : le
précédent utilisait des méthodes équivalentes. Et
les « partenaires sociaux » ne font pas mieux quand le
Conseil d’orientation des retraites (COR) réalise
ses projections financières pour les déficits futurs du
financement des retraites. En 2010, le scénario de base
prévoyait ainsi un retour au plein emploi en 2015 avec un taux de
chômage de 4,5%, le scénario prudentiel étant
établi avec un taux de 7,0%...
Il apparaît donc que les hypothèses
sur lesquelles se base le gouvernement sont peu réalistes et que ses
objectifs (de déficits comme de dettes) risquent donc fort de ne pas
être atteints. Etablir les budgets en se basant sur des
hypothèses venant de comités indépendants pourrait
être une piste de réforme pour remédier à cela
dans l’avenir. Il conviendrait également d’utiliser des
scénarios prudentiels, ce qui éviterait la multiplication des collectifs
budgétaires.
Publié initialement par 24hGold