Mardi le 14 janvier se déroulait à
l’Élysée une conférence de presse, la
troisième depuis le début de son mandat, durant laquelle
François Hollande devait exposer les orientations politiques qui
allaient guider le gouvernement. L’élément majeur de
cette présentation devait être le pacte de responsabilité
à destination des entreprises, censé relancer la croissance et
faire baisser le chômage. Las, l’annonce fut largement
parasitée par la révélation faite une semaine
plutôt par le magasine people Closer de la
relation que le président entretenait avec l’actrice Julie
Gayet. Pour ne rien arranger, on apprenait dans la foulée que
Valérie Trierweiler était
hospitalisée, officiellement « pour se reposer »
à cause d’un « énorme choc
émotionnel ».
La liaison fut bien évidemment évoquée lors des
questions des journalistes. Sur le statut
du conjoint, François Hollande explique alors qu'« il n'y
en a jamais eu », qu’ « il y a des usages,
qui ont également concerné les femmes de [ses]
prédécesseurs » et que « ce qui est
essentiel pour [lui], c'est la transparence. Les moyens consacrés au
conjoint doivent être connus, publiés, et les coûts
doivent être les moins élevés possibles ».
L’un des journalistes l’interroge donc :
« Valérie Trierweiler est-elle
toujours, aujourd’hui, première dame de
France ? »
François Hollande refuse alors de répondre à la
question : « J’ai un principe, c’est que les
affaires privées se traitent en privé, dans une intimité
respectueuse de chacun ». Pourtant, en admettant la
légitimité de la première dame de France à
bénéficier de certains moyens financiers et avoir ses voyages
payés par le contribuable, il est tout à fait naturel que ce
dernier sache si la personne qui utilise ces moyens bénéficie
réellement de ce statut. Le président rejette ainsi la
transparence promise plus tôt.
Envolée également sa promesse d’exemplarité
proférée dans sa fameuse tirade ‘Moi
président’, lors du débat de l’entre deux tours de
l’élection présidentielle avec Nicolas Sarkozy. Il avait
alors déclaré : « moi, président de la
République, je ferai en sorte que mon comportement soit à
chaque instant exemplaire » (0’57).
De plus, les conséquences du statut réel de Mme Trierweiler pourraient être beaucoup plus
importantes. Xavier Kemlin avait ainsi porté
plainte
contre celle-ci pour détournement de fonds publics. Le raisonnement
est le suivant : soit François Hollande et Valérie Trierweiler ne sont pas concubins et les contribuables
n’ont pas à la financer, soit ils le sont et alors ils auraient
dû faire une déclaration commune à l’ISF.
Pourtant, François Hollande avait raison quand, lors de la
révélation de sa relation avec Julie Gayet, il parlait
du « respect de la vie privée auquel tout citoyen [a
droit] ». Mais pourquoi ne l’a-t-il
pas défendue plus tôt ? Par exemple, quand le consultant de
la NSA Edward Snowden fit ses
révélations sur le système PRISM qui permet aux agents
américains de surveiller mondialement les données personnelles
circulant sur Internet. Il était alors à la recherche
d’un pays pouvant lui donner asile et se retrouva… en Russie.
C’était là une bonne occasion pour le président
français de défendre la vie privée. Non seulement il ne
donna pas l’asile diplomatique à Edward Snowden,
mais ce dernier fut indirectement à l’origine d’un incident
diplomatique avec la Bolivie lorsque l’avion du président
Morales fut interdit de survoler la France car suspecté d’abriter
l’ex-consultant de la NSA.
Il faut dire que les témoignages de soutien à Edward Snowden ne furent pas légion parmi les dirigeants
européens. Ainsi, pour Angela Merkel, il est nécessaire
de « contrôler les
télécommunications » pour se protéger des
attaques terroristes et « le travail des services de
renseignements dans des États démocratiques a toujours
été indispensable, et le sera toujours, pour la protection du
citoyen ». Évidemment, quand la chancelière
allemande apprit fin octobre qu’elle-même était victime de
l’espionnage de la NSA, sa réaction fut tout autre. Elle
déclara d’abord dans un communiqué
que « si de telles pratiques étaient confirmées,
elle les désapprouverait catégoriquement et les
considérerait comme totalement inacceptables ». Lors de son
arrivée au sommet bruxellois suivant ces révélations,
elle déclara
que « l’espionnage entre amis, ça ne va pas du tout
».
Les autres dirigeants européens lui apportèrent lors de
ce sommet un soutien sans faille. Pour le belge Elio Di Rupo, « nous ne
pouvons pas accepter de qui que ce soit cet espionnage systématique et
il faudra prendre des mesures », alors que selon l’entourage de
François Hollande et d’Angela Merkel, ces derniers « sont
tombés tous les deux d’accord pour dire que ces pratiques
d’espionnage sont inacceptables ».
Cet intérêt soudain pour la vie privée ne fit
hélas pas long feu du côté français. Le 10
décembre 2013, le gouvernement faisait passer dans l’article 20 de la loi de
programmation militaire 2014-2019 un ensemble de mesures liberticides.
Celles-ci permettent la capture en temps réel des communications,
documents et informations (L246-1 et L246-3) transitant par les
opérateurs, et ce, sans aucun contrôle judiciaire. Cette capture
pourra de plus être réalisée par un ensemble
élargi d’administrations, dont le ministère de
l’Économie et du Budget (L246-2).
Ce texte a soulevé l’indignation de la plupart des
acteurs du numérique. Pour Gilles Babinet, responsable des enjeux du
numérique pour la France auprès de la Commission
européenne, « cette loi va bien plus loin que ce que permet la
loi américaine. Aux États-Unis, elle serait
anticonstitutionnelle, car dans la Constitution américaine est inscrit
le principe de la propriété privée et donc des
correspondances ».
La notion de vie privée ne semble donc pouvoir
s’appliquer que pour les dirigeants politiques et non pas au reste des
citoyens. Les premiers vivent pourtant de l’argent de ces derniers, qui
sont en droit d’attendre en retour un minimum de transparence. Non
seulement les politiciens n’en font pas preuve, mais ils multiplient les
mesures empiétant chaque jour un peu plus sur la vie privée des
citoyens. Pour Thomas Jefferson,
troisième président des États-Unis, « quand les citoyens
craignent leur gouvernement, il y a tyrannie ; quand le gouvernement craint
ses citoyens, il y a liberté ». Selon vous, dans laquelle des
deux situations se trouve-t-on aujourd’hui ?
Publié initialement sur 24hGold
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