C’était une des annonces symboliques
de la campagne présidentielle du candidat François
Hollande : la taxe à 75%. Près d’un an après
son élection, elle va enfin voir le jour. Petit retour en
arrière. Nous sommes début 2012 et la campagne de
François Hollande peine à décoller. Son avance dans les
sondages sur Nicolas Sarkozy semble se réduire inexorablement et le
candidat du Parti Socialiste craint de se faire déborder sur sa gauche
par Jean-Luc Mélenchon.
Source :
Le
Nouvel Observateur
Le candidat du Front de gauche, aux
qualités de tribun indéniables, menace d’attirer vers lui
une part non négligeable de l’électorat de gauche. Il
avait d’ailleurs frappé fort en janvier, lors d’un meeting
à Besançon, en annonçant : « au-dessus
de 360 000, je prends tout ! ». Avec une taxation de 100%
au-delà de 360 000 €, la barre est placée haut.
Le candidat socialiste met plus d’un mois
à réagir et fera son annonce surprise d’une taxe à
75% le lundi 27 février, lors de l’émission Parole de candidat. Cette mesure est
manifestement improvisée. Elle ne figurait pas dans les ‘60
engagements’ publiés à peine un mois plus tôt,
et François Hollande s’embrouille lors de sa
présentation : après avoir annoncé qu'elle ne
concernerait que les revenus supérieurs à un million d'euros
par mois, il rectifie en
précisant qu’il s’agira plutôt d’un million
d'euros par an. L’effet de surprise
est réussi : Jérôme Cahuzac,
alors ‘conseiller pour les questions fiscales’ (sic), et
invité le soir même de cette annonce dans une émission, apprend
en direct l'existence de cette proposition et cache mal son embarras.
François Hollande est finalement élu
en mai 2012 et son gouvernement doit mettre en œuvre cette mesure
symbolique. Las, la première mouture est censurée
par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle est assise sur les
revenus de chaque personne physique et non du foyer (comme l'impôt sur
le revenu ou la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 4 %).
Elle devait, en effet, s’appliquer sous la forme d’une contribution
exceptionnelle de solidarité de 18 % sur les revenus d'activité
excédant 1 million d'euros :
(*)
Pour les revenus au-delà de 150 000 euros
(**)
Pour les revenus au-delà de 500 000 euros
C’était donc la
non conjugalisation des revenus qui avait
été retoquée par le Conseil constitutionnel, et non le niveau de
75%. Toutefois, ce dernier s’était prononcé sur des
niveaux de fiscalité jugés confiscatoires au travers de quatre
autres articles du projet de loi de Finances 2013. Il énonce en effet
dans son jugement que :
- L'article 3, instituant une nouvelle tranche marginale à 45 % de l'impôt sur le revenu, est conforme à la Constitution. Cette augmentation avait toutefois pour conséquence de porter l'imposition marginale des retraites complémentaires dites « chapeau » à 75,04 % pour celles perçues en 2012 et à 75,34 % pour celles perçues à compter de 2013. Le Conseil a censuré, à l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, la dernière tranche marginale d'imposition portant sur ces retraites, ramenant ainsi la taxation marginale maximale à 68,34 %.
- L'article 9, qui portait par ailleurs le taux d'imposition sur les bons anonymes de 75,5 % à 90,5 %, a été censuré.
- L'article 11 modifiait l'imposition des gains et avantages tirés des stock-options et des actions gratuites et avait pour conséquence de porter à 72 % ou 77 % (selon la durée de détention) l'imposition marginale de ces gains et avantages. En outre, dès 150 000 euros de revenus soumis au barème de l'impôt sur le revenu, ces gains et avantages étaient soumis à une imposition de 68,2 % ou 73,2 %. Le Conseil a censuré les nouveaux taux de la contribution salariale prévue par l'article L. 137-14 du code de la sécurité sociale, ramenant ainsi la taxation marginale maximale de ces gains et avantages à 64,5 %.
- L'article 15 modifiait l'imposition des plus-values immobilières sur les terrains à bâtir pour les soumettre au barème de l'impôt sur le revenu. Ce choix avait pour conséquence de porter, avec toutes les autres impositions pouvant peser sur ces plus-values, à 82 % l'imposition marginale de ces plus-values. Le Conseil a censuré cet article.
Un autre coup rude avait été donné
fin mars par le Conseil d’État. Celui-ci s’est basé
sur le Conseil constitutionnel pour :
- dire que si la taxe doit être conjugalisée alors elle doit être calculée sur l'ensemble des revenus (et donc les revenus du capital), et pas uniquement les revenus d'activité
- fixer le plafond à 66,66 % (de manière assez arbitraire mais en gardant en référence le niveau de 68% considéré comme confiscatoire)
Or, pour les revenus du capital, les
prélèvements sociaux s’élèvent à
15,5% et le prélèvement forfaitaire libératoire a
été supprimé. La marge pour ne pas dépasser les
deux-tiers devenait ainsi très faible :
La marge de manœuvre était donc plus
que réduite : à peine 2,1%. Et les
prélèvements sociaux de 15,5% pourraient alors difficilement
être encore augmentés, alors que c’est un levier que les
gouvernements successifs ont beaucoup actionné :
La solution trouvée est donc finalement la
suivante : ce sont les entreprises qui paieront 75% de cotisations
patronales, et ce sur la fraction de revenus excédant le million
d’euros. Le Président, invité le jeudi 28 mars de
l’émission Des
paroles et des actes, annonce à cette occasion la solution
trouvée. Qui sera concerné ? Uniquement les plus grandes
entreprises, car pour François Hollande « cela ne se passe
que dans les plus grandes entreprises ces rémunérations
au-dessus d’un million d’euros » :
Cette déclaration est étonnante,
car il existe bien évidemment des rémunérations
très élevées en dehors des grandes entreprises. Les
sportifs (essentiellement des footballeurs) comme les artistes en tout genre
ne travaillent pas au sein de multinationale mais bel et bien de PME qui
seront donc touchées de plein fouet par cette taxe à 75% .
Cela n’a évidemment pas échappé
à Noël Le Graët, président
de la Fédération française de football (FFF). Il
déclare, en effet, le mardi 2 avril dans Le Parisien/Aujourd'hui qu’il a eu l'assurance
de Jean-Marc Ayrault que cette taxe ne toucherait pas les clubs
professionnels : « Cela ne concerne pas les PME (petites et
moyennes entreprises). Le Premier Ministre à qui j’ai
posé la question a été clair :
seules les grandes entreprises seront taxées. Or les clubs
professionnels sont considérés comme des PME.» Or, les
services de Matignon démentent
le jour même : les footballeurs seront bien taxés, car ils
sont salariés. Le président de la FFF doit faire marche
arrière : « C'était ma grille de lecture. J'ai
sans doute été trop rapide. ». En tout cas, il
s’agissait aussi de la lecture présidentielle…
Cette deuxième annonce des 75% semble donc
souffrir du même niveau d’improvisation que la première,
ce qui est tout de même assez inquiétant et indique le manque de
marge de manœuvre du gouvernement actuel.
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