Le 20 décembre dernier, l'Agence France Trésor (AFT), qui
est l’organisme chargé de la gestion de la dette et de la
trésorerie de l'État, publiait
son programme indicatif de financement de l'État pour 2014. C’est
donc l’occasion de s’intéresser à la gestion de la
dette souveraine française, l'État étant le principal contributeur
de la dette publique française :
ODAC :
Organismes divers d'administration centrale
La dette souveraine s’est en effet nettement accrue ces 5
dernières années. Alors qu’elle représentait 49,4%
du PIB à fin 2007, elle atteignait 73,6% à la fin du 3ème
trimestre 2013 :
Pour gérer la dette souveraine, l’AFT utilise les trois instruments
suivants :
- Les BTF (Bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté) sont des titres de créance négociables à court terme, d'une durée de vie inférieure à 1 an à l'émission.
- Les BTAN (Bons à Taux Annuel Normalisés) sont des valeurs assimilables du Trésor émises pour des durées de 2 ou 5 ans.
- Les OAT (Obligations Assimilables du Trésor français) sont aussi des titres assimilables, émis pour des durées de 7 à 50 ans.
Les OAT représentent la très grande majorité
(73%) de la dette souveraine.
Ces besoins vont donc être financés par des
émissions de dette à moyen et long terme estimées
à 173 milliards d’euros. Il s’agit d’émissions
nettes de rachats, c’est-à-dire que le montant de nouveaux BTAN
et OAT effectivement émis pourra être supérieur, le solde
servant à racheter de la dette existante. Cette pratique est
courante : l'AFT a ainsi racheté en 2013 pour pas moins de 23,2 milliards
d'euros de dette arrivant à échéance en 2014 et 2015
(respectivement 13,2 et 10,0 milliards d’euros). Avec un montant
nominal des emprunts bruts à moyen et long terme de 192 milliards
d’euros, l’AFT a donc atteint son objectif
de 169 milliards d’euros d’émissions nettes pour 2013.
Les objectifs principaux étaient de profiter des conditions de
crédit historiquement avantageuses pour s’endetter à plus
long terme ainsi que de lisser les émissions sur les années et
ainsi éviter les pics d’emprunts à renouveler. Cela ne
semble pas inutile si l’on regarde le profil de remboursement de la
dette souveraine :
On s’aperçoit en effet qu’il y a un sérieux
pic dès 2015 avec 146 milliards d’euros à roller [1] et que les deux années qui suivent seront
à peine moins rudes (125 milliards d’euros chacune). Il faudra
bien entendu rajouter à ces montants les déficits futurs du
budget de l’État dont l’équilibrage n’est pas
proche. Ambroise Fayolle, directeur général de l'AFT, a beau « [regarder] 2015 avec
sérénité », il est difficile de partager son
optimisme.
Le niveau du taux d’intérêt moyen
pondéré des émissions de dette à moyen et long
terme, qui s’est élevé à 1,54% en 2013, était
en effet à un niveau historiquement bas, et ces conditions
étaient idéales pour racheter des dettes proches de
l’échéance en empruntant à long terme. Corollaire
de ces taux bas, la charge de la dette a atteint en 2013 45 milliards d'euros
et s’est ainsi révélée moins élevée
que prévue (-1,9 milliard d'euros). Cette charge ne devrait progresser
que légèrement en 2014, à 46,7 milliards d'euros :
Mais après un plus bas début mai 2013 à 1,67%, le
taux à 10 ans français est reparti à la hausse pour
revenir vers un niveau plus normal. Même s’il est
évidemment encore loin de ses records historiques, son niveau atteint
désormais 2,40% :
La première émission
de l’année 2014 semble confirmer la tendance et la crainte de
remontée des taux. En effet, l’AFT a procédé
à l’émission d’OAT sur 3 maturités
distinctes : 2020, 2024 et…2060. Et l’émission de mai
2024 (environ 10 ans de maturité) s’est faite à un taux
moyen de 2,51%.
L’augmentation de la dette combinée à la hausse
des taux d’emprunt et aux arrivées massives à
échéance d’emprunts à renouveler mettent le gouvernement français dans une situation
de plus en plus délicate, ce dont il ne semble pas avoir pris la
mesure. Avec près de 200 milliards d’euros d’emprunts
nouveaux par année jusqu’en 2017, l'État est en position
de risque extrême par rapport à une remontée des taux
d’intérêt qui semble pourtant inéluctable. La
cavalerie financière [2] incessante de l'État ne peut que
très mal se terminer, et le mur n’est sans doute plus
très loin.
[1] de l’anglais ‘to roll’, qui signifie rouler
[2] La cavalerie
est un processus financier où de nouveaux emprunts servent sans cesse
à rembourser les emprunts antérieurs.Publié initialement sur 24hGold
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire