Shinzo Abe est redevenu premier ministre
du Japon en décembre dernier suite à la victoire de son parti,
le Parti libéral-démocrate, aux dernières
élections législatives. Son plan pour relancer
l’économie japonaise est purement keynésien, ce qui ne
manque pas de surprendre puisque c’est précisément le
remède qui est administré depuis près de deux
décennies dans ce pays, et ce avec une inefficacité notoire.
L'État va ainsi injecter
87 milliards d'euros dans l'économie. Ceux-ci vont se répartir
entre des rénovations d’infrastructures (routes, ponts ou
écoles), des investissements dans des secteurs considérés
d’avenir et des dépenses sociales.
Le gouvernement de Shinzo Abe espère ainsi
créer 600 000 emplois et obtenir une croissance de 2 % dès
la prochaine année fiscale (qui débute en avril). Mais des doutes
ont déjà été émis sur la pertinence de ces
travaux et certains commentateurs n’y voient même qu’une
liste permettant d’atteindre le montant symbolique de la promesse
électorale de 10 000 milliards de yens.
Il y a quelques mois, le FMI avait préconisé
l’adoption par la Banque du Japon (BoJ) d’un
plan pour relancer l’économie. Celui-ci consistait
à :
- relâcher sa politique monétaire ;
- étendre son programme de rachats d’actifs pour réinjecter des liquidités dans le système bancaire ;
- relever son objectif d’inflation ;
- monétiser la dette souveraine de manière plus durable en échangeant les courtes maturités contre des plus longues).
Le gouverneur de la BoJ, Masaaki
Shirakawa, avait alors opposé une fin de non-recevoir
en jugeant sa politique d’alors « appropriée ».
Il se fait en effet peu d’illusions sur l’efficacité de la
planche à billets et admet
l’échec de ce type de politique : « Pour le
moment, l'effet de notre politique monétaire de stimulation de
l'économie est très limité. La monnaie est là, la
liquidité est abondante, les taux d'intérêts sont
très bas, mais les entreprises n'utilisent pas ces conditions financières
accommodantes. Le retour sur investissement est trop bas ».
Malheureusement pour Masaaki Shirakawa, Shinzo Abe a repris
à son compte les propositions du FMI, notamment sur les taux
directeurs et l’inflation. Le deuxième axe de cette politique volontariste
consiste ainsi à faire pression sur la BoJ afin
que celle-ci adopte une politique monétaire encore plus laxiste et relève
son objectif d'inflation annuelle à 2% (contre 1% actuellement).
L’indépendance de la BoJ a volé
en éclats et le gouverneur a cédé
en revoyant à la hausse son objectif d'inflation et en promettant un rachat
illimité d'actifs financiers (majoritairement de la dette souveraine)
à partir de 2014. Un rythme de 11 milliards d’euros mensuels a
été évoqué. Shinzo Abe pouvait
jubiler : « C'est historique. Nous changeons de régime
monétaire ».
La politique de taux bas a historiquement été peu
efficace. On le voit en effet sur le graphique ci-dessous : les taux
directeurs sont inférieurs à 1,00% sans discontinuer depuis le
2e semestre 1995, et ce sans impact notable sur la croissance. Le
PIB n’a depuis progressé en termes réels que de 14%, soit
une progression annuelle moyenne de 0,8% par an.
On constate également que cette baisse des taux courts a
fortement pesé sur les taux longs, qui sont depuis la fin des
années 1990 sous la barre de 2%, mais cela n’a pas
coïncidé pour l’État japonais avec une
maîtrise de sa dette. Au contraire, les gouvernements successifs ont
profité de ces conditions favorables pour augmenter les dépenses
publiques et l’endettement, comme le montre le graphique qui suit.
Le cocktail miracle keynésien de taux bas conjugués avec
des déficits publics et de la création monétaire
s’est donc révélé inefficace pour la croissance
japonaise mais a permis au contraire de creuser une dette colossale.
Publié initialement par 24hGold
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire