vendredi 1 février 2013

Point sur le projet de loi de finances français

Il y a trois mois nous avions constaté que le budget 2013 était basé sur des hypothèses assez peu sérieuses et réalistes. À l’époque les prévisions du gouvernement étaient déjà supérieures à celles des autres économistes, qui étaient pour rappel les suivantes :


 
Depuis, l’année 2012 s’est achevée et le consensus des économistes semble avoir tapé assez juste pour 2012 : l’acquis de croissance [1] à la fin du troisième trimestre est de 0,1% et l’INSEE anticipe un léger repli (-0,1%) sur le quatrième trimestre. La croissance française devrait donc être quasiment nulle en 2012. D’ailleurs, la croissance annualisée française est en baisse continue depuis le 1er trimestre 2011 et est devenue nulle au 3ème trimestre 2012. Si la prévision de l’INSEE se confirme pour le 4ème trimestre, elle redeviendra même négative, et ce pour la première fois depuis fin 2009. Réponse par l’INSEE le 14 février prochain.



Rappelons que, s’il n’existe pas de définition officielle pour une récession, une définition assez communément admise est la contraction du PIB sur deux trimestres consécutifs. Ce graphique montre que la France fut en récession car les deux premiers trimestres de l’année furent négatifs. Néanmoins, l’INSEE communique sur des croissances arrondies à une décimale, ce qui a opportunément permis au taux de -0,044% du 2ème trimestre d’être arrondi à 0,0% et donc d’éviter officiellement la récession.

Pour 2013, le consensus [2] des économistes passe de +0,3% à +0,1%, sans entraîner la moindre révision gouvernementale :

Source : La Tribune

Le gouvernement se retrouve donc désormais à 0,7% au-dessus du consensus et persiste dans son déni. Ainsi le ministre de l'Économie Pierre Moscovici déclare dans une interview publiée par Le Figaro le 10 janvier : « Si j'avais aujourd'hui la conviction que la croissance ne pourra pas atteindre 0,8% comme nous l'anticipons, je l'aurais dit. Les incertitudes sont fortes, bien sûr, mais je relève que certaines évolutions - l'accord sur le budget aux États-Unis, les perspectives de croissance de la Chine, les solutions apportées à la zone euro - sont positives. »

Cette croissance atone rendra encore plus difficiles les objectifs gouvernementaux de réduction des déficits publics. Pierre Moscovici les rappelle : « Nous nous sommes engagés à ramener la dépense publique de 56,3% de la richesse nationale en 2012 à 53,1% du PIB en 2017. ».

En réalité, le gouvernement semble être tout à fait conscient que ses objectifs de croissance ne seront pas atteints : c’est pourquoi il essaie désormais d’agir davantage au niveau des dépenses et assure qu’il n’y aura pas de dérapages. Alors qu’il tablait, il y a trois mois, sur une augmentation de 0,7% par an en volume [3], il communique actuellement sur une croissance ‘limitée’ à 0,4% en 2014 et 0,2% en 2015.

Le gouvernement est d’ailleurs vivement encouragé dans cette voie par la Cour des comptes et son président (socialiste) Didier Migaud, qui déclare avec lucidité : « Ne cherchons pas - comme cela a trop souvent été le cas - à prendre appui sur la difficulté de la situation économique du moment pour renoncer à poursuivre l'effort structurel indispensable. La gravité de la situation d'endettement impose que le redressement soit conduit sans relâche ». Et de rajouter que la France « va devoir, dans les années qui viennent, consentir à un freinage sans précédent de la dépense publique ». On ne saurait dire mieux.

Mais pour l’instant, malgré les intentions affichées, la tendance reste tout de même à l’augmentation puisqu’avec une croissance de 0,1% en 2013, la dépense publique atteindrait 56,5% du PIB. On ne peut également s’empêcher de regretter le petit jeu politicien de la gauche qui poussait des cris d’orfraie quand le gouvernement de droite procédait à des modérations pourtant bien moindres de l’augmentation des dépenses publiques…

Quant à la dette publique, la baisse affichée lors du troisième trimestre est en trompe-l’œil puisqu’elle provient essentiellement de la contraction de la trésorerie (-30,7 milliards d’euros). Si la dette brute (celle comptabilisée au sens de Maastricht) baisse de 13,5 milliards d’euros, la dette nette augmente de 24,0 milliards d’euros, pour atteindre 1 640,2 milliards d’euros.

Le diagnostic proposé il y a trois mois est donc toujours valable. Le gouvernement s’acharne à nier la réalité et à repousser des réductions de dépenses qui n’en seront que plus douloureuses. La croissance est non seulement atone mais continue à ralentir, les dépenses publiques et la dette à augmenter. Les inflexions millimétriques de trajectoires proposées par le gouvernement actuel ne sont malheureusement pas à la hauteur des enjeux.

[1] L’acquis de croissance correspond à la croissance de l’année si tous les trimestres suivants de la même année avaient une croissance nulle.
[2] Ce qui est appelé consensus des économistes n’est en fait qu’une simple moyenne.

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