La « taxe
Tobin » consiste en la taxation des transactions
financières. Elle s’appelle ainsi du nom de son inventeur James
Tobin (prix Nobel d'Économie 1981) et avait pour objet de lutter
contre la spéculation. L’économiste l’a suggérée
en 1972 avant d’exprimer de fortes réticences, celle-ci
étant devenue un des chevaux de bataille des organisations
altermondialistes (notamment ATTAC).
Un tel système de taxation avait déjà
été mis en place au début des années 1980 en Suède.
Les résultats furent catastrophiques, avec un effondrement des volumes
de transaction et des recettes fiscales bien inférieures à ce
qui était escompté. Pourtant, l’idée n’a
jamais été abandonnée et la taxe sur les transactions
financières (TTF), également appelée « taxe Tobin
», fut ainsi d’abord portée par Nicolas Sarkozy, qui
voyait en elle toutes les vertus. Il s’agissait selon lui de « la meilleure des formules »
pour trouver « de nouvelles
ressources pour le développement ». Cette taxe se voyait
même affublée d’un caractère moral et était « utile pour dissuader la spéculation »,
bien que des études aient démontré que l’augmentation
des coûts de transaction augmentait la volatilité alors que la
spéculation la faisait diminuer [1]. Cette taxe fut finalement mise en
place en août 2012 par le gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault.
Les achats d'actions de sociétés cotées à Paris
et dont la capitalisation dépasse le milliard d'euros sont ainsi taxés
à 0,2 % (109 entreprises) sont concernées.
L’heure est venue d’en tirer un premier bilan et les
résultats s’avèrent être aussi peu probants en France
qu’en Suède. La taxe devait, selon François Marc (rapporteur
du budget au Sénat) contribuer
au budget de l'État à hauteur de 360 à 400 millions
dès 2012, puis de 1,6 milliard d'euros en année pleine. Las,
elle n’aura généré que 250 millions en 2012 et
l’actualisation
des prévisions par Bercy ne laisse plus espérer que 600
à 800 millions d'euros pour l’année en cours.
Le gouvernement français, qui a souvent une longueur
d’avance pour voter de nouvelles taxes, va être rejoint
par dix autres pays de l’Union européenne [2] pour un
élargissement qui devrait intervenir début 2015 mais dont les
contours ne sont pas encore précisément définis. Son
produit, évalué
en début d’année par Pierre Moscovici à « plusieurs dizaines de
milliards d'euros », est désormais estimé dans
la fourchette basse,
puisqu’elle ne devrait plus rapporter que « vraisemblablement plus de dix milliards
d'euros ».
Toujours est-il que la définition du périmètre de
cette taxe va s’avérer problématique. Lors de sa mise en
place par le gouvernement français, ce dernier avait pris soin
d’exclure de son champ d’application les obligations publiques et
privées. Étant donnés les considérables besoins
de financement des États (les membres de l’OCDE devraient
emprunter 10 900 milliards d’euros en 2013),
les gouvernements ont évité de se tirer une balle dans le pied.
De plus, les politiciens reprochant régulièrement aux banques
de ne pas assez financer l’économie, ils ne pouvaient
simultanément proposer de taxer les obligations privées, ces
dernières étant la seconde source de financement des
entreprises après le crédit bancaire. Pourtant le
périmètre de la prochaine taxe européenne pourrait
être plus large :
les échanges d'actions et d'obligations seraient taxés à
un taux de 0,1% (niveau supérieur à la
rémunération de certains titres souverains à court
terme…) et les contrats dérivés à un taux de
0,01%.
Éric Pagniez, de l'association
française de gestion financière, s’inquiète
de son côté pour la compétitivité des fonds
monétaires français (dont les rendements sont également
proches de 0 %). Ces derniers, avec des actifs de 374 milliards d'euros, sont
en effet leaders européens et seraient menacés par les OPCVM
monétaires basés au Luxembourg et en Irlande, qui ne seront pas
concernés par la taxe.
La « taxe Tobin », malgré ses échecs
passés, a donc été mise en place en France et sera
élargie à de nombreux autres pays européens. Toutefois,
son rendement risque d’être bien moindre qu’attendu, mais
également de déstabiliser de nombreux acteurs du marché
et de peser sur le financement de l’économie.
[1] Article
: The Role of Transaction Costs for
Financial Volatility : Evidence from the Paris Bourse, Harald Hau
Voir
également La spéculation
et le prix des oignons
[2] Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Estonie, Grèce, Italie,
Portugal, Slovaquie et Slovénie.Publié initialement sur le site 24hGOLD.
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