Ce 10 septembre se déroulait à
Paris la manifestation contre la réforme des retraites. Pourtant, difficile
d’utiliser le terme de réforme puisqu’il s’agit
plutôt d’ajustements très limités. Fidèle
à son habitude, la CGT avait appelé à manifester avant
même de négocier ou de connaître le contenu de la
réforme. Mais cette dernière peine à mobiliser contre
elle du fait de son aspect consensuel. La CGT, rejointe par FO, FSU,
Solidaires et l’UNEF, a donc souhaité élargir
le sujet de sa manifestation à d’autres sujets comme
l’emploi et les salaires.
Le projet de réforme devrait être présenté
au Parlement au début de la session ordinaire, qui débutera
le 1er octobre. Si les derniers arbitrages n’ont pas encore
été finalisés, les grandes lignes sont connues.
Sans surprise, le tabou de l'âge
légal de la retraite ne tombera pas et ne devrait pas progresser
au-delà de 62 ans :
L'UMP et le patronat estiment
pourtant que les régimes de retraite ne peuvent être
équilibrés sans jouer sur ce levier.
Le mode de calcul de la retraite des
fonctionnaires sera également inchangé. La piste du rapport
Moreau n’a donc pas été retenue et les retraites
resteront calculées sur la base des six derniers mois de salaire (sans
les primes) pour les fonctionnaires au lieu des 25 meilleures années
dans le secteur privé.
L’opportunité de créer un
régime de retraite par points a été
écartée. Cette réforme aurait pourtant
bénéficié d’un large soutien transpartisan
chez les électeurs de gauche comme de droite et était
même réclamée par la CFDT. Le système par points,
qui a l’avantage de la transparence pour les cotisants, a sans doute
été jugé trop complexe à mettre en place.
Les pensions des retraités vont aussi
être protégées par François Hollande. Pas question
d’une revalorisation minorée des pensions, comme pour les
retraites complémentaires.
Dans ce dernier cas, les pensions Arrco et Agirc n’ont progressé au 1er
avril 2013 que de respectivement 0,8% 0,5%. Les deux années suivantes,
la revalorisation se fera sur la base d’une inflation minorée de
1,0% (la valeur du point ne pourra pas diminuer en valeur absolue). Mais le
Président a tenté de rassurer les Français :
« je veux dire aux retraités qu’on ne touchera pas à leurs retraites
».
Il y aura tout de même quelques ajustements
dans cette réforme. La durée de cotisation nécessaire
pour toucher une retraite sans décote va continuer à
progresser. La loi Fillon de 2003 a programmé
une hausse de 41 annuités maintenant jusqu’à 41
année ¾ en 2020 :
Le gouvernement compte poursuivre l'allongement
au-delà de 2020, au rythme d’un trimestre tous les deux ans. La
durée de cotisation nécessaire pour une pension à taux
plein augmenterait ainsi à 42 annuités vers 2024 et à 43
ans vers 2035. L’impact de ce point sur les déficits d’ici
à 2020 est bien évidemment nul. Pourtant, les déficits
risquent de se creuser
dangereusement d’ici là :
Les cotisations vont une nouvelle fois être
relevées, sans que l’on sache encore exactement dans quelle
proportion. Cette solution a l’avantage de pouvoir être
introduite progressivement mais va encore augmenter le coût du travail.
Une hausse de 0,5 point rapporterait
quelque 6 milliards d’euros. Cette hausse va donc s’additionner
à celle des retraites complémentaire. Les cotisations pour ces
dernières augmenteront en effet de 0,1% au 1er janvier 2014
et au 1er janvier 2015 (40% à la charge du salarié, 60% pour l’employeur).
La seule petite surprise de cette réforme concerne
le non alignement du taux de CSG pour les retraités. Les pensions de
retraite bénéficient d’un taux favorable par rapport
à celui qui pèse sur les revenus du travail qui est de 7,5 %.
En effet, le taux pour les retraités, qui est fonction du revenu
fiscal de référence, ne peut excéder 6,6% (il existe
deux autres tranches à 0% et 3,8%). En fait, à défaut
d’alignement, tous les taux devraient progresser, l’écart
étant maintenu. Pour un conseiller gouvernemental, « harmoniser les
différents taux en plus de l'augmentation, ce serait la double peine
pour les retraités ».
Le gouvernement a également ouvert un
chantier sur la pénibilité
mais a repoussé
celui sur les droits familiaux. Cette dernière modification, telle
qu’elle était initialement envisagée, n’aurait
touché que les futurs retraités et aurait consisté en
une réduction des majorations de retraite de ceux qui ont eu au moins
trois enfants. Cette remise en cause n’aurait concerné que les
hommes (70% de la dépense actuellement) et aurait
bénéficié aux femmes dès le premier enfant.
La montagne va donc accoucher d’une souris
et le commissaire aux Affaires économiques de la Commission
européenne, Olli Rehn,
risque fortement d’être déçu. Rappelons qu’un
délai de deux ans avait été accordé
par la Commission à la France pour respecter la règle des 3% de
déficit, en échange de réformes ambitieuse, notamment du
système de retraites. Bien sûr il y avait peu d’illusions
à se faire avec cette nouvelle réforme des retraites qui
s’annonçait déjà très modeste
d’après les premières pistes avancées par
François Hollande. Mais cette réforme est
particulièrement faible et, loin de rééquilibrer le
régime, le risque est qu’elle ne puisse même pas ralentir
sa dégradation. Les précédentes réformes,
déjà bien insuffisantes, avaient été
réalisées par la droite et avaient été en leur
temps largement critiquées par la gauche. Les socialistes étaient
donc particulièrement attendus au tournant. Le moins que l’on
puisse écrire est donc qu’ils auront largement
échoué.
Publié initialement sur 24hGold
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