samedi 17 mai 2014

Le SMIC : immoral et inefficace

Pierre Gattaz, récemment, a réussi à provoquer une levée de boucliers unanime avec sa proposition de création d’un « smic intermédiaire ». Pour le patron du Medef, « il vaut mieux quelqu'un qui travaille dans une entreprise avec un salaire un peu moins élevé que le smic, de façon temporaire et transitoire, plutôt que de le laisser au chômage ». Tel n’est apparemment pas l’avis de nombreux politiques et partenaires sociaux.

Une des premières à réagir n’était autre que Laurence Parisot, qui l’a précédé à la tête du Medef. Celle-ci n’a pas fait dans la demi-mesure en parlant de « logique esclavagiste » :
On pourrait rétorquer à Laurence Parisot que c’est interdire à quelqu’un d’utiliser son corps ou sa force de travail comme il l’entend plutôt que de le lui permettre, ce qui se rapproche sans doute davantage de l’esclavagisme. Mais ce serait oublier que Mme Parisot ne se place pas sur le terrain du débat d’idées mais sur celui de la rancœur suite à sa tentative ratée de rester à la tête du Medef. En effet, celle-ci avait tenté en mars 2013 de faire voter par le conseil exécutif du Medef une modification des statuts lui permettant de se représenter. Cette modification avait été rejetée au terme d’un scrutin très serré (22 voix pour, 22 contre et un vote blanc). Depuis, Laurence Parisot semble éprouver un malin plaisir à critiquer les propositions de Pierre Gattaz, comme lors de la dernière réforme de l’assurance-chômage où elle avait défendu le régime des intermittents du spectacle, mis en cause par le document de travail du Medef qui demandait sa suppression.

Sans surprise, même opposition syndicale avec Jean-Claude Mailly (FO) qualifiant la proposition d‘indécente, Laurent Berger (CFDT) d’« idée du passé » ou Joseph Thouvenel (CFTC) déclarant sa totale opposition à « toute remise en cause du salaire minimum ». La classe politique offrait la même unanimité, hormis Nathalie Kosciusko-Morizet qui, sans soutenir la proposition, préférait ne s’interdire a priori aucune piste : « toutes les idées pour pouvoir lutter contre le chômage, en particulier le chômage des jeunes, doivent pouvoir être étudiées, on ne doit pas s’empêcher de regarder ». Son collègue Alain Juppé (UMP) parle au contraire de « proposition intempestive », alors que Najat Vallaud-Belkacem (PS) y voit la création d’un « sous-salariat au sein de l’entreprise ». À l’instar d’Yves Jego (UDI), elle préfère souligner l’importance de l’apprentissage pour lutter contre le chômage des jeunes (comme si les deux options étaient exclusives l’une de l’autre). Marine Le Pen (FN), en campagne pour les européennes, voit la main d’une Union européenne ultralibérale derrière ce projet « scandaleux » qu’elle qualifie de « prochaine étape de l’austérité qu’on impose à la France ». Enfin, même le centriste François Bayrou, pourtant modéré par nature, s’est montré grandiloquent : « on voit bien que ce n’est pas de leurs enfants qu’il s’agit ».

Aucun débat rationnel ne semble donc possible sur cette proposition. Rappelons que nous parlons là de la mise en place d’un « smic intermédiaire », pas de la suppression du smic. On ose à peine imaginer quelles auraient été les réactions si quelqu’un s’était aventuré à formuler une telle proposition.

Pourtant, l’efficacité du salaire minimum est plus que douteuse. Plus celui-ci est élevé, plus les non qualifiés, et en particulier les jeunes, auront du mal à trouver un emploi. La loi, au prétexte de les protéger, leur interdit en fait d’avoir une chance de prouver leur valeur. Le salaire minimum est donc largement créateur de chômage chez les personnes non qualifiées. Les politiciens admettent d’ailleurs implicitement cet état de fait quand ils choisissent de concentrer les baisses de charges sur les bas salaires. De même du côté de la majorité des experts qui estiment que des baisses de charges concentrées sur les bas salaires sont les plus créatrices d’emplois. Pas question pour autant de mettre sur la table le tabou du salaire minimum.

Les origines du salaire minimum sont pourtant assez peu glorieuses, puisqu’il a été porté par les eugénistes. Selon ces derniers, le salaire minimum protègerait les travailleurs des races supérieures de la concurrence des travailleurs provenant de souches génétiques inférieures. Un des avantages du salaire minimum était donc d'éliminer les groupes ‘faibles’ de la société, en les empêchant de travailler pour subvenir à leurs besoins. Un autre était de maintenir les femmes à la maison, pour que celles-ci se concentrent sur leur rôle principal supposé, c’est-à-dire la préservation du patrimoine génétique (des races supérieures).

Malgré les dégâts qu’il cause et son immoralité, le salaire minimum reste très populaire, de nombreuses personnes estimant sans doute que sans celui-ci les entreprises exploiteraient les salariés. Malheureusement, la classe politique suit le sens du vent et il n’y a pas à attendre de sa part le moindre courage. Il ne s’agit pas là d’une spécificité française puisque le salaire minimum gagne du terrain dans de nombreux pays. Il va ainsi être instauré en Allemagne (progressivement entre 2015 et 2017) pendant que le débat suit son cours aux États-Unis et en Suisse. Les américains veulent ainsi  l’augmenter de 7,25 $ / heure à 10,10 $ / heure, alors que la Suisse pourrait également se doter d’un salaire minimum, qui serait (en termes de pouvoir d’achat) le plus élevé du monde :

Publié initialement sur 24hGold