samedi 13 juillet 2013

Déblocage de l’épargne salariale : une fausse bonne idée

François Hollande a proposé fin mars de permettre le déblocage anticipé de l’épargne salariale des Français et espère ainsi stimuler l’économie. On peut d’abord noter que le timing de l’annonce était une nouvelle fois dramatique, puisqu’il s’agissait de la période durant laquelle l’attention médiatique était tournée sur le rapport de Karine Berger et Dominique Lefebvre qui insistait sur l’importance de l’épargne longue.

Pour les modalités d’application, et sous réserve de revirement lors de la publication des décrets, les salariés pourront retirer jusqu’à 20 000 euros, en une fois, pendant le deuxième semestre 2013. Ils n’auront en outre pas à justifier de l’utilisation qui en sera faite [1]. Par ailleurs, les fonds versés depuis le début 2013 ne seront pas éligibles à ce retrait anticipé qui ne concernerait que les PEE (Plan d'épargne entreprise), et pas les PERCO (Plan d'épargne pour la retraite collectif).

L’épargne salariale est alimentée par la participation, l’intéressement, des versements volontaires du salarié et le plus souvent un abondement de l’entreprise. Voici un historique des flux versés :



Les fonds placés sur le PEE sont bloqués pendant cinq années alors que ceux dans le PERCO ne peuvent être récupérés avant la retraite. Il existe toutefois des cas de déblocage anticipés, plus nombreux pour le PEE que pour le PERCO, parmi lesquels on trouve notamment l’achat d’une résidence principale :



L’épargne salariale totale, qui concerne environ 12 millions de salariés et dont les encours atteignaient à fin 2012 près de 95 milliards d’euros, est majoritairement investie dans les PEE :



Le PERCO est en effet un produit plus récent que le PEE :



Utiliser l'épargne salariale pour relancer l’économie est une recette assez ancienne et n’est en fait qu’une énième tentative de relance par la consommation, actuellement atone. En 1994 et 1996 des déblocages avaient été autorisés, mais ils étaient conditionnés à l'achat d'une voiture. En 2004 et en 2008, d’autres déblocages ‘exceptionnels’ étaient possibles, tout en ne dépassant pas 10 000 euros. Si 7 milliards d’euros avaient été débloqués en 2004, 2008 fut moins fructueux avec un total de 3,9 milliards (contre un objectif de 15 milliards).

Que va devenir l’épargne débloquée ? Il est fort probable que seule une part minoritaire sera réellement consommée, même si une anticipation de la hausse de la TVA au 1er janvier 2014 influera positivement sur la consommation. Cela ne serait pas négligeable (même si l’impact serait tout de même limité) à l’heure où les recettes fiscales sont moins élevées que prévu puisque les prévisions pour 2013 viennent d’être révisées à la baisse de 8 milliards d’euros (dont 4,5 pour la TVA).

La majorité des fonds débloqués devrait ainsi être redirigée vers d’autres produits d’épargne plus liquides comme les livrets réglementés, dont les intérêts ne sont pas fiscalisés. Le livret A et le LDD devraient par exemple largement en profiter, malgré une baisse prévisible de leur rémunération au 1er août. Le premier a vu récemment son plafond augmenté à deux reprises : 19 125 euros au 1er octobre 2012 puis 22 950 euros au 1er février 2013. Le plafond du second a été doublé de 6 000 à 12 000 euros au 1er octobre 2012.

Ce changement d’allocation va être dommageable pour le financement de l’économie. En effet, cela diminuera les placements à long terme pour augmenter les ressources gérées par la Caisse des dépôts et consignations (qui centralise partiellement les dépôts du livret A et du LDD). Or cette dernière n’investit pas que dans le logement social, elle possède un portefeuille non négligeable d’obligations souveraines (56 milliards d’euros à fin 2011). Cela créera un nouvel effet d’éviction pour le financement des entreprises.

Cette mesure poussée par François Hollande aura donc pour seul effet positif, dans le meilleur des cas, une légère réduction du déficit. Par contre, elle risque de pénaliser une nouvelle fois l’investissement à long terme et le financement de l’économie.

[1] La réserve n'était pas inutile pour cet article rédigé antérieurement à la publication du décret. D'après ce dernier, le déblocage devra "financer l'achat d'un ou plusieurs biens, en particulier dans le secteur de l'automobile, ou la fourniture d'une ou plusieurs prestations de service".  Il est donc conseillé de conserver les factures en cas de contrôle de l’administration fiscale.

Publié initialement sur 24hGold

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