jeudi 17 octobre 2013

Réforme des retraites : encore raté

Ce 10 septembre se déroulait à Paris la manifestation contre la réforme des retraites. Pourtant, difficile d’utiliser le terme de réforme puisqu’il s’agit plutôt d’ajustements très limités. Fidèle à son habitude, la CGT avait appelé à manifester avant même de négocier ou de connaître le contenu de la réforme. Mais cette dernière peine à mobiliser contre elle du fait de son aspect consensuel. La CGT, rejointe par FO, FSU, Solidaires et l’UNEF, a donc souhaité élargir le sujet de sa manifestation à d’autres sujets comme l’emploi et les salaires.

Le projet de réforme devrait être présenté au Parlement au début de la session ordinaire, qui débutera le 1er octobre. Si les derniers arbitrages n’ont pas encore été finalisés, les grandes lignes sont connues.

Sans surprise, le tabou de l'âge légal de la retraite ne tombera pas et ne devrait pas progresser au-delà de 62 ans :


L'UMP et le patronat estiment pourtant que les régimes de retraite ne peuvent être équilibrés sans jouer sur ce levier.

Le mode de calcul de la retraite des fonctionnaires sera également inchangé. La piste du rapport Moreau n’a donc pas été retenue et les retraites resteront calculées sur la base des six derniers mois de salaire (sans les primes) pour les fonctionnaires au lieu des 25 meilleures années dans le secteur privé.

L’opportunité de créer un régime de retraite par points a été écartée. Cette réforme aurait pourtant bénéficié d’un large soutien transpartisan chez les électeurs de gauche comme de droite et était même réclamée par la CFDT. Le système par points, qui a l’avantage de la transparence pour les cotisants, a sans doute été jugé trop complexe à mettre en place.

Les pensions des retraités vont aussi être protégées par François Hollande. Pas question d’une revalorisation minorée des pensions, comme pour les retraites complémentaires. Dans ce dernier cas, les pensions Arrco et Agirc n’ont progressé au 1er avril 2013 que de respectivement 0,8% 0,5%. Les deux années suivantes, la revalorisation se fera sur la base d’une inflation minorée de 1,0% (la valeur du point ne pourra pas diminuer en valeur absolue). Mais le Président a tenté de rassurer les Français : « je veux dire aux retraités qu’on ne touchera pas à leurs retraites ».

Il y aura tout de même quelques ajustements dans cette réforme. La durée de cotisation nécessaire pour toucher une retraite sans décote va continuer à progresser. La loi Fillon de 2003 a programmé une hausse de 41 annuités maintenant jusqu’à 41 année ¾ en 2020 :


Le gouvernement compte poursuivre l'allongement au-delà de 2020, au rythme d’un trimestre tous les deux ans. La durée de cotisation nécessaire pour une pension à taux plein augmenterait ainsi à 42 annuités vers 2024 et à 43 ans vers 2035. L’impact de ce point sur les déficits d’ici à 2020 est bien évidemment nul. Pourtant, les déficits risquent de se creuser dangereusement d’ici là :


Les cotisations vont une nouvelle fois être relevées, sans que l’on sache encore exactement dans quelle proportion. Cette solution a l’avantage de pouvoir être introduite progressivement mais va encore augmenter le coût du travail. Une hausse de 0,5 point rapporterait quelque 6 milliards d’euros. Cette hausse va donc s’additionner à celle des retraites complémentaire. Les cotisations pour ces dernières augmenteront en effet de 0,1% au 1er janvier 2014 et au 1er janvier 2015 (40% à la charge du salarié, 60% pour l’employeur).

La seule petite surprise de cette réforme concerne le non alignement du taux de CSG pour les retraités. Les pensions de retraite bénéficient d’un taux favorable par rapport à celui qui pèse sur les revenus du travail qui est de 7,5 %. En effet, le taux pour les retraités, qui est fonction du revenu fiscal de référence, ne peut excéder 6,6% (il existe deux autres tranches à 0% et 3,8%). En fait, à défaut d’alignement, tous les taux devraient progresser, l’écart étant maintenu. Pour un conseiller gouvernemental, « harmoniser les différents taux en plus de l'augmentation, ce serait la double peine pour les retraités ».

Le gouvernement a également ouvert un chantier sur la pénibilité mais a repoussé celui sur les droits familiaux. Cette dernière modification, telle qu’elle était initialement envisagée, n’aurait touché que les futurs retraités et aurait consisté en une réduction des majorations de retraite de ceux qui ont eu au moins trois enfants. Cette remise en cause n’aurait concerné que les hommes (70% de la dépense actuellement) et aurait bénéficié aux femmes dès le premier enfant.

La montagne va donc accoucher d’une souris et le commissaire aux Affaires économiques de la Commission européenne, Olli Rehn, risque fortement d’être déçu. Rappelons qu’un délai de deux ans avait été accordé par la Commission à la France pour respecter la règle des 3% de déficit, en échange de réformes ambitieuse, notamment du système de retraites. Bien sûr il y avait peu d’illusions à se faire avec cette nouvelle réforme des retraites qui s’annonçait déjà très modeste d’après les premières pistes avancées par François Hollande. Mais cette réforme est particulièrement faible et, loin de rééquilibrer le régime, le risque est qu’elle ne puisse même pas ralentir sa dégradation. Les précédentes réformes, déjà bien insuffisantes, avaient été réalisées par la droite et avaient été en leur temps largement critiquées par la gauche. Les socialistes étaient donc particulièrement attendus au tournant. Le moins que l’on puisse écrire est donc qu’ils auront largement échoué.

Publié initialement sur 24hGold

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire